• Extrait Magie absolue de Derren Brown - CC éditions

     

    Derren Brown parlant de trois magiciens qui réfléchissent à leur magie.

     

    « … Ils ont appris à partir de l’expérience directe, ainsi qu’en s’asseyant ensemble chaque jour pour travailler des mouvements et des idées. Ils n’ont pas appris en allant à des conférences ou dans des clubs de magie. Le résultat, c’est qu’ils présentent une magie qui est réellement magique et persuasive car ils ne voudraient pas faire autre chose. Il ne leur viendrait pas à l’esprit, par exemple, de remplir leur prestation de répliques toutes faites. Ou de copier les textes et la personnalité de leur magicien préféré. Ils n’iront jamais présenter quelque chose qui n’est pas en total accord avec leurs personnages respectifs. Quand je les compare avec la masse des magiciens qui travaillent ici ou ailleurs, il est évident que ces trois là sont beaucoup plus imaginatifs que la masse produite par la fraternité magique. (…) Il est facile de faire cette critique sans voir tout d’abord qu’aimer la magie en tant que passe temps est quelque chose de très noble, et que les clubs de magie sont en général faits pour ceux dont c’est le passe temps. Mais comme le dit Tommy Wonder, si vous faites cela en passe temps, vous ne devriez sans doute pas vous produire en situation professionnelle. (…) Les bons magiciens professionnels qui prennent leur magie au sérieux vont créer des effets qui sont nés de la compréhension qu’ils ont d’eux même en tant que personnage, car c’est cela qui va mettre leur personnage en avant durant le spectacle. Cela signifie que pour beaucoup de magiciens, moi inclus, certains effets sont immensément personnels. Regarder quelqu’un d’autre présenter maladroitement votre répertoire peut être comparé à regarder votre voisin sodomiser votre petit chien. (…).

    Malheureusement, il n’y a pas l’ombre d’un commencement de compréhension de cet état de fait chez les amateurs. Imaginez qu’au lieu d’être magiciens, nous soyons des comiques de music hall. Amateurs, semi-professionnels et professionnels, nous irions porter la bonne parole du rire au public. Nous apprendrions notre texte, nous le développerions et le travaillerions, en le faisant nôtre pour obtenir le maximum d’impact. Puis une fois par an, nous aurions un congrès. Les comédiens du monde entier se rassembleraient et aimeraient se retrouver. On donnerait des conférences (…). Pouvez vous croire une seule seconde que ces échanges consisteraient pour les meilleurs professionnels présents, respectés par leur auditoire, à se tenir là pour dicter leurs plaisanteries l’une après l’autre à des gens qui seraient en train de les écrire ? Que chaque comédien serait simplement supposé réciter une longue liste de gags et d’inviter ensuite leurs participants à les essayer dès le lendemain ? Vous rendez vous compte à quel point ce serait ridicule ? Et a quel point ce serait terrible pour le professionnel dont on s’attendrait à ce qu’il explique le meilleur de lui-même dans son travail de comédien et qui en serait réduit à donner une liste de plaisanteries ? Et pour ceux qui ne pourraient pas venir, il y aurait les vidéos.(…) Vous regarderiez les vidéos, recopieriez les plaisanteries que vous avez aimé et vous les utiliseriez. Si on continue à utiliser cette image, nous comprenons à quel point les comédiens seraient complètement interchangeables et perdraient le piment qui les rend si drôles. Partout dans le monde, ce serait les mêmes plaisanteries.(…) Les comédiens ne se soucieraient pas de savoir s’ils jouent bien leurs plaisanteries, ils les réciteraient tout simplement, en pensant que le gag en lui-même est suffisant pour qu’il y est comédie. La comédie, en tant que genre théâtral serait considérée comme étant identique à ce qui arrive quand quelqu’un raconte une blague après le dîner. (…) Pire, ces copains racontant ces histoires drôles seraient précisément ceux qui vont aux conférences, notant toutes les blagues qui leur sont données par les meilleurs professionnels, qui ne pourraient qu’assister impuissant au fait que ce cercle de copains met leur profession en danger. J’adore regarder une bonne comédie et je suis heureux de constater que dans ce domaine, il n’est pas arrivé ce qui s’est produit en magie. Je suis heureux de voir que les comédiens ont un vrai respect les uns envers les autres. C’est très bien que les comédiens désapprouvent le plagiat. (…) La communauté magique ne favorise pas la créativité.  (…) Ces magiciens qui se produisent mais qui disent qu’ils ne sont pas créatifs disent n’importe quoi : s’ils peuvent présenter quelque chose convenablement, ils peuvent commencer à réfléchir en termes de théâtre et d’esthétisme. Le tout est de changer votre approche pour que de passive elle devienne active. La passivité et la paresse se retrouvent partout chez les magiciens. Plus nous apprenons à partir des vidéos (…) et plus nous devenons paresseux.  (…) Commencez à considérer le répertoire des autres magiciens que vous pouvez voir dans les conférences ou en vidéo comme étant LEUR répertoire,(…) et qu’en reproduisant leurs travail, vous deviendriez seulement un copieur sans aucune imagination, présentant un amalgame des différents styles de tours pris arbitrairement. Aimez les effets que vous présentez, mais ne faites jamais l’erreur de penser qu’ils constituent la magie. Comprenez que pour bien les présenter, vous devez sortir de notre corporation et entrer en vous-même, pour voir de quoi vos rêves sont faits. « 


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  • Un souvenir alors que je sortais d'une opération du genou. 

    Une pensée pour Ali Bongo (le magicien anglais), qui m'a autorisé à utiliser sa mise en scène.

    Ali nous a quitté il y a un an. Il a très peu publié. Il est l'un des magiciens les plus créatifs que j'ai eu l'occasion de rencontrer. Beaucoup de magiciens pratiquent ses tours sans même le savoir.  Il devait être le conseillé sur mes émissions en France ...  . Ali, vous me manquez...

     


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  • Pour faire suite à l'article précédent, voici ce qu'est devenue la routine des 3 boulettes de mie de pain. Un beau souvenir pour moi à l'attention d'une des plus belles femmes mythique du cinéma. 

     


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  • J’ai souhaité consacrer ce premier article à mon professeur de magie Pierre Edernac. Je l’ai rencontré en 1981, alors que je venais sur Paris pendant mes vacances. C’est ma grand-mère qui me l’a présenté. Pierre habitait au 20 rue Lacretelle dans le 15ème. Homme grand, élégant, avec une élocution parfaite et un maniement de la langue française propre aux personnes bien élevées. Il m’invita à m’asseoir à la grande table du salon et commença à me faire quelques tours avec des pièces, des élastiques, des dés à coudre et des cartes. Le tour qui me laissa sans voix fut le suivant. Pierre prenait son jeu de cartes, donnait une pichenette sur la face du jeu et la carte se transformait à vu. Il le refaisait plusieurs fois devant mes yeux éberlués. Puis il posait le jeu et allait dans l’autre pièce pour chercher quelque chose. Et moi je restais le regard figé sur son jeu, hésitant à le prendre pour l’examiner. Je n’ai découvert le secret de ce tour qu’une dizaine d’années plus tard par hasard car je voulais préserver le plus longtemps possible l’émotion que m’avait procuré cet effet. 

    Lorsque mes parents vinrent s’installer à Paris trois ans plus tard, j’allais prendre des cours chez Edernac tous les 15 jours. Je crois que le premier effet qu’il m’enseigna fut les trois boulettes perpétuelles. Il prenait un morceau de pain et confectionnait 3 boulettes de mie. Il en mettait deux dans sa main, et la troisième dans sa poche. Pourtant, en rouvrant sa main, les trois boulettes étaient à nouveau réunies. Puis les boulettes finissaient par laisser place à une pièce et il enchaînait… A chaque visite, j’étais fier de lui montrer une nouvelle création. Tantôt avec des fleurs en papier, des cartes, des effets de feu.

    Au delà des tours, Pierre me transmit l’amour de la pratique, le respect du spectateur, une philosophie, et surtout la conscience que pour être magicien, il ne faut jamais être dépendant d’un accessoire mais pouvoir utiliser tout ce qui vous tombe sous la main. C’est le propre des prestidigitateurs qui, de nos jours, disparaissent peu à peu.

    La philosophie de Pierre Edernac consistait a venir sur scène avec quasiment rien, et repartir avec rien. Son numéro de corde en est un parfait exemple. En gala, le présentateur sortait de sa poche un morceau de corde de 20 centimètres, le tendait à Edernac. La musique débutait et Pierre entrait sur scène avec ce morceau de corde. Puis tous ces gestes étaient soulignés par la musique. 8 minutes de poésie, d’élégance et de communication non verbale. Un jour, dans un congrès, ce magicien de 80 ans fit tomber ses ciseaux au sol. Tous les magiciens présents dans la salle qui connaissaient son numéro, vécurent une seconde de malaise qui était perceptible. Cette seconde parût durer une éternité. Ce grand bonhomme allait-il devoir s’accroupir pour ramasser ses ciseaux et briser l’élégance de son personnage. Mais non. Pierre sorti de sa poche une seconde paire de ciseaux et continua son numéro comme si de rien n’était. La salle éclata d’un rire de soulagement. En réalité, Edernac avait tout en double sur lui pour anticiper toutes mauvaises surprises. C’est la marque des grands. L’anticipation.

    Pierre a toujours été fidèle. Que je sois ou non dans les médias, il m’a toujours conseillé avec beaucoup de bienveillance et je lui dois beaucoup. C’est tellement rare dans ce milieu que je tenais à le souligner. J'étais très heureux de pouvoir l'inviter dans l'émission Vivement Dimanche en 1999 pour le remercier publiquement au delà des articles de presse où je le citais souvent. J’aurais sans doute l’occasion de vous reparler de lui dans de futurs articles. En attendant, voici, avec son autorisation, son numéro lors de sa prestation à Stuttgart. Bon visionnage.

     

     

     

     


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